France2 – novembre 2011

JT de 20h00, grand format (5 minutes).

Ils ont choisi de ne plus se cacher, « fini l’hypocrisie » disent-ils parfois… Ils ou elles ont une maîtresse ou un amant, et ils l’assument. Ils le revendiquent même. Ils sont ce qu’ils appellent eux-mêmes les polyamoureux. Ils mettent en avant non pas le sexe, mais plutôt le romantisme. Coup de projecteur sur ce mode de vie surprenant. Reportage signé Valérie Gaget et Frédéric Basille.

Françoise est écrivain. Elle se définit comme une lutine. Guilain, lui, est commercial dans l’immobilier, il a 29 ans. Méta a 32 ans, elle est journaliste à la radio. Ces trois parisiens ont un point commun, ils conjuguent l’amour au pluriel, adeptes de ce qu’on appelle le polyamour.

F. S. : « C’est le fait de pouvoir aimer dans toutes les dimensions – affective, sentimentale, intellectuelle – plusieurs personnes, qui le savent, et sans se cacher. Voila. »

Françoise Simpère a écrit deux livres sur les amours plurielles, inspirés par sa propre expérience. Mariée depuis l’âge de 21 ans, mère de deux filles, elle a aimé plusieurs hommes en même temps que son époux. Certains se sont éloignés, d’autres sont toujours dans sa vie. Elle a su très jeune que nul n’aurait l’exclusivité sur son cœur.

F. S. : « J’ai eu conscience, ayant connu mon mari à l’âge de 17 ans, que c’était totalement irréaliste de penser que toute ma vie, il n’y aurait que cet homme là qui me semblerait intéressant. Et puis lui, je savais lorsque je l’ai connu qu’il sortait avec cinq filles à la fois, donc que c’était quelqu’un qui était pluri-amoureux, même si dans sa tête, c’était quelque chose qui était mieux pour les hommes que pour les femmes. Donc il a du faire un grand chemin féministe pour accepter que ça soit totalement égalitaire.

Les amours plurielles posent mille questions. C’est pour tenter d’y répondre que Guilain Omont a créé un site Internet.

G.O : « Est-ce que c’est vraiment de l’amour ? Ca sera pas de libertinage simplement ? Est-ce que c’est pas un terme refuge pour les chauds lapins et les chaudasses qui n’assument pas ? »

Chaque mois, il organise aussi une réunion, baptisée le café-poly pour les personnes intéressées. Chez lui, le polyamour est un choix réfléchi, il n’a jamais connu l’exclusivité amoureuse.

G. O. : « Je vis les amours plurielles d’une certaine façon, c’est-à-dire j’ai une relation principale et d’autres relations moins impliquées et moins engagées. Donc là j’habite avec Gabrielle, qui est donc mon amoureuse principale. On a un appartement qui est assez grand. On a pu installer un petit rideau dans le salon pour faire deux chambres.

V. G. : « Donc il y a certains soirs ici où vous, vous allez être seul, et où dans la chambre qui est la sienne, votre amoureuse principale va avoir euh…

G. 0. : « Ah non, je ne pourrais pas. Je ne pourrais pas, je suis trop jaloux pour ça. Donc ça veut dire que si elle a un amoureux ici, moi je suis ailleurs, en voyage, en vacances… »

Guilain l’avoue, aimer au pluriel est difficile. A chaque nouvelle rencontre, il court le risque de se voir relégué au rang d’amoureux secondaire. Mais peut-être est-ce ce qui rend la chose excitante. Ce qui est sûr, c’est que les polyamoureux de 2011 n’ont rien inventé. Dans les années 70, l’amour pluriel a connu d’illustres représentants. Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre. Elsa Triolet et Louis Aragon. L’amour libre, incarné par les hippies était alors une façon de contester l’ordre établi et la morale chrétienne.

Aujourd’hui, ce choix semble moins politique. A l’heure où un mariage sur trois fini par un divorce, les polyamoureux testent simplement un autre modèle familial. Exemple avec Méta, une femme peu commune.

Méta : « Voila, donc ça c’est une photo prise par Thomas. »

Elle a deux amours : Thomas et Aurélien. L’un est le père de son enfant, le second son parrain. Avec Thomas, le père de sa fille, elle vient d’emménager dans ce loft conçu sur mesure.

Méta : « Alors ici c’est la chambre de Thomas – la suite de Thomas, parce qu’il y a une salle de bain au fond. Ici, on est dans l’open-space. Donc qu’on a conçu comme un grand espace pour la famille. Ici c’est ma chambre. Voila. Comme moi, noire et rouge. »

V. G. : « C’était important d’avoir deux espaces biens séparés entre Thomas et vous ? »

Méta : « C’était la condition sinequanone à ce qu’on puisse habiter sous le même toit, parce que chacun de nous a besoin de son intimité. »

Son deuxième compagnon ne vit pas avec eux, mais chaque semaine, il passe trois à quatre nuits chez elle. Le fait d’avoir un enfant aurait pu bouleverser leur équilibre, mais il n’en a rien été.

Méta : « Elle nous a soudé autour d’elle, de façon assez magique, en fait. C’était rigolo quand j’ai accouché, il y avait toute la smala dans ma chambre à l’hôpital. Les deux garçons ont assisté au travail, ils étaient avec moi en salle de travail tous les deux. »

Méta se moque du qu-en-dira-t-on. Sa fille grandira avec ses deux amoureux, et plus si affinité. Elle rêve déjà d’un autre enfant avec son deuxième compagnon.

Méta : « On réfléchit à comment agrandir et pousser les murs, pour accueillir un nouveau bébé et Aurélien, puisque l’idée c’est quand même que le papa habite avec son enfant aussi. »

Combien sont-ils en France à vivre ainsi, difficile à dire ! Moins de deux pour-cents de la population, si l’on en croit certains experts… Les polyamoureux explorent une troisième voie, une voie où un amour ne chasse pas l’autre, mais s’y ajoute.

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