Questions fréquentes

1. Les comparaisons

C’est de la « polygamie », non ?

La polygamie, c’est lorsque les gens peuvent avoir plusieurs conjoints de sexe opposé (définition du Petit Robert). Avec les amours pluriels, il ne s’agit pas de conjoints mais de relations amoureuses.

Or, on peut vivre une relation amoureuse sans être conjoint, et inversement. Dans notre société, « amoureux » et « conjoint » sont très liés, mais cela n’est le cas que depuis quelques siècles !

De plus, les amours pluriels ne se vivent pas nécessairement avec le « sexe opposé »…

Enfin, la plupart des occidentaux utilisent le mot « polygamie » pour signifier « polygynie » : un homme peut être conjoint avec plusieurs femmes, mais l’inverse n’est pas possible. Évidemment, la polygynie est aux antipodes du concept des amours pluriels…

Ce ne serait pas simplement du « libertinage », ce truc ?

Tel qu’on en parle souvent, le libertinage consiste à s’autoriser le sexe en dehors du couple, mais pas les sentiments amoureux. Dans ce cas, le libertinage est très éloigné des amours pluriels.

Bien sûr, il existe des libertins qui s’autorisent des sentiments amoureux avec plusieurs personnes. Si en plus il y a le consentement des partenaires amoureux, il s’agit bien dans ce cas d’amours pluriels.

Inversement, il existe des amoureux pluriels qui ne supportent pas le sexe sans sentiment. En général, ils n’apprécient pas du tout qu’on les prennent pour des libertins…

N’est-ce pas un terme refuge pour les « chauds lapins » et les « chaudasses » qui ne s’assument pas ? Ou encore pour les immatures, ceux qui ont peur de construire et de s’engager ?

D’une part, pourquoi utiliser des termes péjoratifs ? Qu’y a-t-il de mal à faire du sexe souvent et avec beaucoup de partenaires ? Et pourquoi un choix de vie sans engagement et sans construction amoureuse serait-il forcément moins bon ?

D’autre part, pourquoi mettre tous les amoureux pluriels à la même enseigne ? Il existe évidemment beaucoup d’amoureux pluriels qui ne cherchent pas à faire du sexe souvent et avec beaucoup de partenaires ! Et beaucoup qui cherchent à faire cela tout en assumant très bien ! Et beaucoup aussi qui cherchent à construire et à s’engager dans leur vie amoureuse…

Est-ce vraiment de l’amour ?

Le mot « amour » a beaucoup de sens différents. La définition du Petit Robert est assez floue : « Inclination envers une personne, le plus souvent a caractère passionnel, fondée sur l’instinct sexuel mais entraînant des comportements variés ». Je résume ainsi :

amour : attirance + intensité + sexe

En général, les gens qui doutent qu’on puisse aimer plusieurs personnes ont une vision de l’amour plus restreinte. Pour eux, l’amour c’est la fusion : si l’on ne souffre pas quand l’être aimé n’est pas là, ce n’est pas de l’amour… Et peut-être est-il effectivement impossible de vivre plusieurs amours fusionnels en parallèle !

Mais, l’amour fusionnel n’est clairement pas le seul type d’amour possible. Serge Chaumier, dans son livre « L’amour fissionnel », passe en revue de multiples formes d’amours qui ne sont justement pas fusionnelles.

Donc, c’est un peu comme avoir plusieurs « sex-friends », non ?

Si les « sex-friends » consentent à la situation, cela est effectivement une forme d’amours pluriels. Mais ce n’est pas la seule qui existe. Les amours pluriels n’excluent pas le romantisme, l’engagement, la projection dans l’avenir, la cohabitation, la passion, le fait d’avoir des enfant, voire même la fusion…

D’ailleurs, cela n’exclut pas non plus le mariage ! Il peut en effet être vu comme un contrat social (fiscalité, solidarité mutuelle, assurance de justice avec les prestations compensatoires, succession, enfants, etc.) ou comme une bonne occasion de fête ou comme une expérience romantique… La seule contradiction apparaît alors lorsque le maire parle de fidélité (art. 212), car dans son sens usuel, fidèle veut dire exclusif…

Est-ce une forme de nostalgie des utopies des années 70 ? D’ailleurs, Charles Fourier n’est-il pas l’inspirateur des amours pluriels ?

Les mouvements des années 70 ont apporté beaucoup de bonnes choses dans la société : les gens osent prendre la parole, les inégalités homme-femme reculent, les tabous sexuels diminuent, les enfants ont le droit de s’exprimer, les émotions sont mieux prises en compte, l’agressivité est condamnée, l’autodétermination est valorisée, etc.

Mais ces mouvements se positionnent souvent en « réaction contre ». Ils prennent le contre-pied de la norme ambiante, et se retrouvent alors dans des extrêmes : si tu ne vis pas les amours multiples tu es un sale bourgeois réactionnaire et possessif, si tu éprouves de la jalousie tu dois aller te faire soigner, si tu n’es pas d’accord pour faire du sexe avec tout le monde tu es coincé et tu dois te « libérer », si tu ne veux pas vivre en collectivité tu es un égoïste, etc.

Aujourd’hui, les amoureux pluriels ne sont pas forcément en « réaction contre ». Autrement dit, il ne s’agit pas nécessairement d’une contestation. Et les amours pluriels sont évidemment plus pérennes si l’on peut parler – sans risquer d’être considéré comme un ennemi – de ses doutes, de la jalousie qu’on ressent, des frontières qu’on souhaite maintenir vis-à-vis des autres, etc.

Quant à Fourrier (1772 – 1837), il a peut-être écrit des choses intéressantes en avance sur son époque – notamment certaines idées féministes – mais il suffit de lire « Vers la liberté en amour » pour se convaincre que sa vision du monde est ultra-simpliste. Selon lui, tous les problèmes de l’univers sont liés à la répression des passions. Il suffit d’établir un « code passionnel » pour assurer le plein essor de toutes les passions, et celles ci se combineront alors merveilleusement bien, pour arriver à la « concorde ». « L’orchestre à 1620 instruments » que constituent l’ensemble des différentes passions jouerait de façon harmonieuse. Les passions destructrices le sont uniquement parce qu’elles ont étés contre-carrés pendant l’éducation, et elles pourraient facilement s’intégrer à l’orchestre. Dans un contexte de forte répression des passions, Fourrier prend le contre-pied et tombe dans des extrêmes. Il le fait aussi en condamnant totalement l’exclusivité amoureuse. Bref, selon moi, tout cela n’a plus grand chose à voir avec les amours pluriels telles qu’elles se présentent aujourd’hui.

2. Les obstacles

Tu ne ressens donc aucune jalousie ?

Si, si ! Je ressens de la jalousie ! Quand j’essaie de sentir ce qui est lié à cette jalousie, je trouve le plus souvent l’angoisse de l’abandon : et si « l’autre » était mieux que moi ? Si « l’autre » était plus attirant ? Si cela conduisait mon amoureuse à m’accorder moins de temps, moins d’énergie, moins de complicité, moins d’intérêt ? Si cela la détournait carrément de moi ?

D’ailleurs, ces sensations ne sont pas déconnectées de la réalité. Le risque est là, il plane… J’ai déjà vécu un tel « abandon »… C’est un problème crucial dans les amours pluriels. Parce que, à court terme au moins, les risques d’abandon me semblent multipliés. Par exemple, si je vais à une soirée, et qu’une personne m’attire, je vais certainement m’arranger pour pouvoir la recontacter. Si j’étais dans l’amour exclusif, je ne prendrais peut-être pas son numéro, histoire de m’éviter des soucis et des complications. Les risques seraient donc moindre avec l’amour exclusif !

Tu ne tu sens pas coupable de faire souffrir les personnes que tu aimes ?

Oui, de l’autre côté de la barrière, il y a la culpabilité lié au fait de rendre quelqu’un jaloux !

Certains disent que nous ne sommes pas responsables des sentiments de l’autre, que la jalousie est provoquée par le vécu (l’histoire) de la personne qui en souffre, que la situation actuelle ne joue que le rôle de déclencheur, etc. Ils nous donnent pour preuve que, pour une même situation, certains sont très jaloux et d’autres pas du tout. Ce courant de pensée ne me convainc pas. La preuve citée ne prouve qu’une chose : la situation actuelle n’est pas la seule cause de la jalousie. Mais elle en est quand même, à mon avis, l’une des causes.

Donc, en ce qui me concerne, la culpabilité est bien là. Et cette culpabilité risque de m’empêcher d’écouter la souffrance de mon amoureuse avec empathie et sans être sur la défensive. Comment faire pour que cela n’arrive pas ? Je tente de répondre un peu à cette question dans la suite : voir « quelles sont les capacités nécessaires pour bien vivre les amours pluriels ? »…

Cela doit être difficile de trouver des personnes qui acceptent de vivre comme cela, non ?

Au tout début, j’imaginais qu’il n’y aurait presque personne pour se lancer dans l’aventure un peu gonflée des amours pluriels. Et en fait, il y a beaucoup plus de personnes que je ne l’imaginais ! Mais j’ai l’impression qu’il y a plus de femmes que d’hommes. J’imagine que c’est parce que les hommes qui mettent leur identité dans leur genre (« je suis un mec, un vrai ! ») ont plus de mal à accepter que leur amoureuse tombe amoureuse de d’autres hommes : cela les atteint peut-être directement dans leur identité propre ? Que vont dire les copains ? etc.

Évidemment, beaucoup de gens ne souhaitent pas vivre les amours pluriels, et je les comprends. Cette incompatibilité rend alors impossible toute relation amoureuse, ce qui peut être très frustrant !

Dans la première année d’une relation amoureuse, n’est-il pas difficile de construire une complicité et une confiance s’il n’y a pas l’exclusivité amoureuse ?

Oui, certains amoureux pluriels préfèrent d’ailleurs mettre en place une période d’exclusivité amoureuse au début de leurs relations amoureuses (quelques mois ou une année, par exemple). L’intérêt est de préserver l’amour naissant et de ne l’exposer au risque des autres relations qu’une fois qu’il est devenu plus fort, une fois que la passion a changé de forme, qu’elle est devenue plus pérenne…

Cette « stratégie » comporte bien sur des inconvénients. D’une part on imagine bien que le virage risque fort d’être délicat à passer. D’autre part, les relations amoureuses existantes avant ce nouvel amour devront s’arrêter pendant la période d’exclusivité amoureuse, et ce sacrifice peut mettre de la pression dans la relation…

3. En pratique

Qu’est ce que les amours pluriels t’apportent concrètement ?

D’abord, l’avantage le plus évident est qu’il n’y a pas de limite pré-établie dans mes relations. Si je suis attiré par une personne, je peux m’autoriser avec elle la tendresse, la complicité, la sensualité, le sexe, l’amour, etc.

Ensuite, je n’ai pas besoin de mettre une étiquette sur mes relations. Est-ce qu’on « est ensemble » ? « Pas ensemble » ? Cela n’est pas forcément défini, cela peut varier continuellement avec le temps, sans problème… Les relations sont donc plus fluides, moins obligées de se conformer à une case. Les relations sont plus « à inventer » !

Autre chose, qui pour moi est essentiel : il y a moins de pression dans les relations amoureuses. Un exemple explique bien cela. Supposons que je n’aime pas les ballades romantiques, et que je vive une relation amoureuse avec quelqu’un qui adore ça. Avec l’amour exclusif, soit je vais me résoudre à faire des efforts et je risque d’avoir du mal à tenir sur le long-terme ; soit mon amoureuse va se résoudre à faire une croix sur les ballades romantiques, et ce sacrifice risque de lui peser sur le long-terme. Bref, l’équilibre va être particulièrement difficile à trouver. Avec les amours pluriels, l’équilibre est évidemment plus facile à trouver : mon amoureuse peut aller faire des ballades romantiques avec une autre personne.

Encore un point important : la non exclusivité amène en fait à des mini-séparations suivies de mini-retrouvailles. La relation reste sur une dynamique permanente de séduction. Cela a un mauvais côté : l’insécurité, la peur, etc. Mais le revers de la médaille est l’enthousiasme renouvelé lié au fait de se re-choisir en permanence…

Enfin, les amours pluriels favorisent l’individualisme au bon sens du terme, c’est-à-dire le fait de pouvoir exister par soi-même. Les amours pluriels pousse à développer sa propre vie, indépendamment de ses relations amoureuses, à avoir son identité propre, à apprivoiser la solitude…

Ce dernier point nous entraîne sur le sujet du féminisme. Les femmes sont éduquées de façon à ce que, d’une part, elles cherchent avant tout à faire plaisir aux autres, et d’autre part, elles ne cultivent pas leurs désirs. Les femmes se retrouvent à faire la plupart des efforts dans la majorité des couples, non pas tant que les hommes soient d’affreux manipulateurs, mais elles le font parce qu’elles sont conditionnées à prendre sur elle sans s’affirmer, alors que les hommes sont conditionnées à l’extrême inverse. Or, les amours pluriels facilite les prises de positions individuelles : l’autre dépend moins de moi ; je dépends moins de lui ; je suis d’autant plus poussé(e) à me poser la question de ce que je veux, moi ; je dois accepter de m’affirmer avec mes choix personnels qui font éventuellement souffrir l’autre et accepter de risquer de faire souffrir ; etc.

Combien as-tu d’amoureuses ? Et combien en-ont les autres amoureux pluriels, en général ?

La première remarque, c’est qu’il est difficile de compter le nombre de relations amoureuses. En effet, je l’ai signalé dans la question précédente : dans les amours pluriels, les relations sont difficiles à définir. Il est moins important de poser des étiquettes sur ces relations.

En ce qui me concerne, actuellement, je vis une relation amoureuse impliquée et engagée depuis mai 2010. Je vis d’autres relations que je qualifierais d’amicales plutôt que d’amoureuses. Cette situation a changé au fil des années et peut évidemment encore changer. De manière générale, je trouve particulièrement délicat de vivre deux relations amoureuses engagées avec deux partenaires qui habitent la même ville.

Il n’y a pas de règles sur le nombres de relations vécues par les amoureux pluriels. Certains sont même célibataires ! Ils se considèrent comme des amoureux pluriels car ils envisagent leur vie amoureuse sans l’exclusivité amoureuse et avec le consentement… Comme l’a dit Polyphil de polyamour.be , « Etre polyamoureux, c’est peut être aussi n’avoir personne et être très bien ! ».

Quelles sont les capacités nécessaires pour bien vivre les amours pluriels ?

J’en vois plusieurs, de natures différentes.

D’abord, je l’ai déjà évoqué, il est nécessaire d’avoir une bonne confiance en soi. Il faut que l’angoisse de l’abandon ne soit pas paralysante. Si l’image de la solitude est anxiogène, les amours pluriels ne sont sûrement pas une option viable…

Qu’en est-il de la capacité à écouter les souffrances de l’autre sans se sentir attaqué, sans être sur la défensive. Je trouve que c’est moins évident que ça en a l’air à première vue. En fait, ce qui m’aide à vivre le sentiment de culpabilité, c’est le fait que mon partenaire a consenti, en connaissance de cause, à prendre le risque de souffrir. Il y a aussi le sentiment que je peux lui faire confiance pour surmonter cette souffrance. C’est une démarche anti-paternaliste : je ne cherche pas à surprotéger mon partenaire… Il s’agit donc de la capacité à faire confiance en son partenaire, à ne pas l’infantiliser ! Il peut être utile aussi d’avoir les idées claires sur les contradictions des fondements de la morale usuelle (cf. la question « Faire souffrir quelqu’un, est-ce forcément immoral ? »).

De manière plus générale, il est primordial de savoir communiquer sur les sentiments et les besoins : écouter ceux de l’autre, et exprimer les siens. Peut-être plus que dans l’amour exclusif, les amours pluriels demandent des ré-équilibrages permanents.

Un point important est la capacité à vivre sa vie par soi-même. Aimer l’indépendance, avoir une vie enthousiasmante même en dehors des relations amoureuses… Bref, que les relations amoureuses ne soient pas tout pour soi !

Essentielle aussi : la capacité à ne pas couper les ponts avec les relations existantes lorsqu’un coup de foudre survient. Personnellement, je sens que mon amoureuse principale ne lâchera pas tout du jour au lendemain si elle démarre une autre relation amoureuse très intense. Cela l’amènerait sûrement à passer moins de temps avec moins et à être moins impliquée dans notre relation, mais je sens que le lien resterait quand même fort, et qu’elle continuerait à le cultiver. Sans cela, j’aurais beaucoup de mal à vivre sereinement les amours pluriels !

Enfin, il faut du temps et de l’énergie ! Tous ces échanges humains demandent évidemment de la disponibilité. Une personne qui travaille beaucoup et/ou qui a des enfants à charge et/ou de vieux parents à s’occuper… n’aura peut-être pas le temps de vivre les amours pluriels… Il faudra peut-être attendre une période moins chargée ?

Places-tu tes amoureuses au même niveau ou existe-t-il une sorte de hiérarchie entre elles ?

Non, je ne place pas mes relations amoureuses au même niveau. Mais je ne tiens pas pour autant un classement hiérarchique ! Les relations sont différentes, plus au moins intense, plus ou moins matures, plus ou moins engagées, plus au moins suivies, etc.

J’ai vite abandonné mon idée du tout début : passer le même nombre d’heure avec chacune de mes amoureuses. En effet, j’ai constaté qu’il y a des amoureuses avec qui j’ai envie de passer plus de temps que d’autres, et j’ai choisi d’accepter et d’assumer cela.

Qu’en est-il plus concrètement de la gestion de l’emploi du temps, du partage d’un toit, des règles mises en place, de la protection contre les MST ?

Mon expérience, c’est que, tant que les amoureuses n’habitent pas dans les mêmes villes, il n’y a pas trop de problème concret de gestion de l’emploi du temps. Évidemment, habiter sous le même toit qu’une amoureuse pose des problèmes spécifiques (par exemple des situations où l’on ne peut aller ni chez l’un ni chez l’autre…).

Les amours pluriels ne sont pas incompatibles avec la mise en place de règles. A chacun de les construire au fil du temps… Par exemple, en ce qui me concerne, si je sors avec mon amoureuse à une soirée, la règle est qu’on repart ensemble !

Concernant les MST, il y a plusieurs solutions : - se protéger avec tout le monde - se protéger avec tout le monde sauf avec l’une des amoureuses (qui fait pareil) - se protéger avec tout le monde sauf avec un groupe pré-défini de personnes (chacun fait pareil)

Et l’avenir ? Les enfants, le mariage, la construction d’un projet de couple… ?

Les amours pluriels n’empêchent pas nécessairement la projection dans l’avenir et l’élaboration de projet de couple à long terme.

Concernant les enfants, le fait que parents vivent les amours pluriels ne pose qu’un seul problème spécifique : les réactions de l’entourage. Si cela se sait à l’école, les enfants auront peut-être à supporter les moqueries des autres enfants. C’est un peu la même problématique qu’il y a 20 ans avec les enfants de parents divorcés !

4. Les raisons

Les amours pluriels sont-ils une réponse aux échecs du couple ? A l’infidélité ? A l’érosion du désir ?

Il y a mille et une raisons de s’intéresser aux amours pluriels. On peut le faire sans avoir une mauvaise vision de l’exclusivité amoureuse, et sans avoir vécu de mauvaises expériences dans des relations amoureuses exclusives. En ce qui me concerne, c’est le cas. J’ai été séduit intellectuellement par cette façon de vivre les relations amoureuses, pour les avantages que j’y percevais (voir la question « qu’est ce que les amours pluriels t’apportent concrétement ? »).

J’ai remarqué que dans la plupart des cas, les gens commencent à vivre les amours pluriels parce qu’ils ont moins de désirs passionnels pour leur amoureux et qu’ils continuent à l’aimer… En effet, l’érosion du désir n’est qu’une des nombreuses composantes de la relation amoureuse. Lorsqu’ils éprouvent des désirs passionnels pour une autre personne, ils cherchent donc à vivre ces relations amoureuses en parallèle.

En fait, il y a trois possibilités dans de telles situations :
  • Renoncer à ces désirs passionnels
  • Vivre cette composante avec une autre personne, tout en conservant la relation amoureuse initiale (amours pluriels)
  • Vivre cette composante avec une autre personne, en stoppant la relation amoureuse initiale (amours exclusifs en série)

Est-ce un remède contre la solitude ?

Paradoxalement, les amoureux pluriels sont souvent confrontés à la solitude : il suffit que ses amoureux ne soient pas disponibles ! Imaginez un amoureux pluriel qui détesterait la solitude. Les sentiments de jalousie et d’abandon en serait sûrement décuplés, à moins de trouver systématiquement des amoureuses disponibles à tout moment ! Pour aller plus loin, il n’est pas rare d’entendre des amoureux pluriels dire qu’ils apprécient beaucoup de pouvoir passer du temps seul. La plupart des amoureux pluriels semblent avoir un goût prononcé pour l’indépendance. C’est mon cas.

Est-ce un moyen de réaliser son développement personnel ?

Oui, certaines personnes ont choisi de vivre les amours pluriels pour « travailler sur eux ». Il est difficile de vivre les amours pluriels sans rechercher et sans exprimer ses propres émotions, ses propres besoins, ses propres projets de vie, etc. Il est beaucoup moins possible de se fondre dans une identité de couple…

Il peut s’agir aussi d’une philosophie de vie où les contraintes sont réduites au minimum, où l’on cherche avant tout à vivre les moments présents, plutôt que de se projeter dans l’avenir ou de faire des projets. Encore une fois, il y a énormément de raisons de vivre les amours pluriels et énormément de façons de les vivre !

5. L’entourage

Comment les amours pluriels sont-ils perçus par l’entourage ?

Personnellement, mon entourage est tolérant et respectueux de mes choix de vie. Les amoureux pluriels vivent leurs vie entre adultes consentants, et il n’y a donc heureusement pas grand monde pour les condamner moralement !

J’ai remarqué que l’entourage se met sur la défensive et devient belliqueux lorsque quelqu’un parle des amours pluriels en insistant trop sur ses avantages et pas assez sur ses inconvénients. Cela peut se comprendre : dans ce cas, les interlocuteurs se disent que le « défenseur » des amours pluriels les trouve stupides de vivre l’exclusivité amoureuse. Ils cherchent donc à lui montrer qu’ils ne sont pas stupides !

Ceci dit, pour les femmes, la pression de l’entourage est souvent plus forte : à partir du moment où elles vivent plusieurs relations amoureuses, tout une partie de la population a tendance à les considérer comme des « filles faciles », et à les traiter de « trainées », de « salopes », de « nymphomanes », etc.

Enfin, la méconnaissance de ce que sont les amours pluriels amènent beaucoup de personnes à faire des amalgames ou des raccourcis. C’est l’un des objectifs de cette page de réduire ce phénomène…

Comment fais-tu si tu veux présenter deux amoureuses à ta famille ?

Cette question ne s’est jamais encore posée pour moi. J’imagine que la situation pourrait être particulièrement tendue si la famille refuse de voir plusieurs amoureuses et que ces amoureuses souffrent de leur refus. Cette situation semble rare, je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui l’avait vécu.

6. La morale

Le consentement peut-il être réel lorsqu’une personne est amoureuse ?

Certaines personnes pensent que, parce qu’elle altère les capacités de raisonner, la passion amoureuse rend caduque la notion de consentement. Que dire d’une personne qui consent aux amours pluriels parce qu’elle est follement amoureuse ? Est-ce encore du consentement ?

Je pense que répondre « non » à cette question, c’est adopter une définition trop étroite de la notion de « consentement ». Accepter que son amoureux vive d’autres relations amoureuses peut certes avoir des conséquences très importantes sur la vie des gens, mais il en va de même avec d’autres grandes décisions : quitter son travail pour rejoindre son amoureux, avoir des enfants, etc. Si l’on veut respecter le consentement de son amoureux, faut-il attendre qu’il ne soit plus follement amoureux avant d’accepter qu’il quitte son travail et vienne nous rejoindre ? avant de faire des enfants ensemble ? Et même si l’on admettait cela, à quoi pourrait-on reconnaître que l’amoureux n’est plus follement amoureux ?

Les amours pluriels ne reflètent-ils pas un caractère très égoïste ?

D’après le Petit Robert, l’égoïsme est « un attachement excessif à soi-même qui fait que l’on subordonne l’intérêt d’autrui à son propre intérêt ». Il est synonyme d’individualisme sous son sens péjoratif : « PEJ. Tendance à ne vivre que pour soi ». Bref, l’idée est que les amoureux pluriels ne prendraient pas assez en compte l’intérêt d’autrui.

Pourquoi une telle accusation ? Il s’agit à mon avis d’un doute sur les capacités d’engagement et d’implication dont feraient preuve les amoureux pluriels. L’image est celle d’un amoureux pluriel qui délaisse ses partenaires amoureux lorsque ceux-ci vivent des périodes difficiles, sachant qu’ils peuvent de toute façon compter sur d’autres personnes. Une telle marque d’égoïsme n’est éventuellement possible que pour les amoureux pluriels qui ne cherchent pas à construire des relations amoureuses stables et durables. Pour tous les autres amoureux pluriels, dont je fais partie, cela est tout simplement impossible. Mieux, il n’est pas rare de rencontrer des amoureux pluriels dont la valeur « solidarité » est centrale dans leur vie. Comme il est plus facile d’accompagner quelqu’un qui va mal à plusieurs que seul, les amours pluriels les aide à vivre cette valeur !

Faire souffrir quelqu’un, est-ce forcément immoral ?

La morale ambiante indique qu’il ne faut faire souffrir personne. Cette morale me semble très insatisfaisante. Supposons par exemple que je porte un chapeau rouge, et que cela rappelle à un passant un affreux souvenir. Ce passant souffre à cause d’une situation dans laquelle je l’ai mis. Il n’est pas immoral pour autant de porter un chapeau rouge.

Certes, me direz-vous, mais dans cette situation, je fais souffrir quelqu’un de façon involontaire. D’où cette nouvelle proposition : « il ne faut faire souffrir personne de façon intentionnelle ». Mais ce n’est pas plus pertinent. Si mes parents rêvent que je sois docteur et que je me lance dans une carrière de musicien, je fais souffrir mes parents. Il n’est pourtant pas immoral d’essayer de faire carrière dans la musique.

Bref, faire souffrir quelqu’un n’est pas nécessairement immoral. D’autant moins que pour le cas des amours pluriels, la personne qui souffre est consentante. Mais même si ce n’est pas immoral, ça n’en reste pas moins difficile à vivre dans bien des cas.

7. Le mouvement

Les cafés-poly, pourquoi ? Est-ce que cela peut tourner en partouze ?

Un café-poly, c’est un événement organisé le plus souvent en soirée dans un bar. Cela permet de rencontrer des gens qui vivent les amours pluriels ou qui sont curieux par rapport à cela. Tout le monde peut organiser un café-poly. L’animation peut se réduire au minimum, et dans ce cas, le café-poly est totalement informel, les gens discutent en petits groupes. L’organisateur peut aussi décider de proposer quelque chose de plus structuré (tour de table pour se présenter brièvement, projection de films, débats en groupe, lecture de passages de livres, conférence, mise en place d’une structure pour que les participants qui le veulent puissent animer des petits groupes sur les thèmes qu’ils veulent, etc.).

Non, les cafés-poly ne tournent pas en partouze. Le café-poly est basé sur la discussion langagière, et pas sur le corporel. Les amoureux pluriels ne sont pas forcément libertins (voir la question ci-dessus « Ce ne serait pas simplement du « libertinage », ce truc ? »).

Voir la liste des prochains cafés-poly

C’est un mouvement politique ?

En ce qui me concerne, je n’associe pas les amours pluriels avec la politique. Bien sûr, si l’on prend le sens large du mot politique, comme il est question d’interactions entre des personnes, on peut dire que les amours pluriels ont un sens politique. Mais avec ce sens, la notion de « politique » est tellement large qu’elle ne représente plus grand chose de concret pour moi.

Quels liens avec le mouvement LGBTQI (lesbien, gay, bi, trans, queer, intersexe). Plus généralement, quels liens avec les questions de genres ?

De nombreuses connexions se tissent avec ces mouvements. A priori, le point commun est une vie amoureuse qui sort de la norme. Mais je pense qu’il y a des points de concordances beaucoup plus profonds, notamment parce que les amours pluriels brouille les genres :

Est-on vraiment « un mec, un vrai » si sa femme investit du temps et de l’énergie dans d’autres relations amoureuses ? Est-on vraiment « une femme, une vraie » si l’on ne peut pas se dévouer exclusivement à un homme ?

A mon sens, les amours pluriels contribuent à faire avancer le féminisme : les femmes sont poussées à se centrer sur elles (et pas seulement à prendre leur plaisir dans le fait de faire plaisir), elles sont poussées à assumer leurs désirs.

Es-tu prosélyte ? Considères-tu que les amours pluriels sont l’idéal et qu’ils pourraient convenir à tout le monde ?

Je pense que l’amour exclusif convient mieux à beaucoup de gens, parce qu’il est plus sécurisant et qu’il y a moins l’impression de « marcher sur un fil ». Dans une question/réponse précédente, je fais la liste des capacités nécessaires pour bien vivre les amours pluriels…

Que se passe-t-il dans les autres pays autour des amours pluriels ?

Le mouvement des amours pluriels (polyamory en anglais) est beaucoup plus mature aux Etats-Unis, en Angleterre et en Allemagne qu’en France. A New-York, chaque année, une poly-pride est organisée. Elle rassemble des milliers de gens sur un week-end…

Pourquoi utiliser le terme « amours pluriels » et pas plutôt « amours plurielles » ?

« C’est une autre condition dont l’Académie ne parle pas : le mot amour, au pluriel, n’est employé comme féminin que quand il est précédé et non pas suivi de son adjectif : de folles amours, et non des amours folles ; comme de sottes gens, et non des gens sottes. L’adjectif étant mis après, amour, quoique au pluriel, resterait masculin : « des amours brutaux » (Pasc.) ; « froids, honteux, déplacés, odieux, lascifs » (Volt.) ; « particuliers » (Cond.) « Il est des amours emportés aussi bien que des doucereux. » (Mol.). C’est qu’en général l’adjectif se place avant le substantif dans les locutions vagues, et après dans les locutions précises. »

P. B. Lafaye, Dictionnaire des synonymes de la langue française, 1884 http://miklos.blog.lemonde.fr/2008/01/22/l%E2…

D’autre part, si l’on se fie au Petit Robert, il semblerait qu’utiliser amours au féminin serait mettre l’accent sur l’aspect poétique :

« AMOUR : AU PLUR. Liaison, aventure amoureuse. Comment vont tes amours ? A vos amours ! à vos souhaits !. POET. (AU FEM) Des amours tumultueuses. « Le vert paradis des amours enfantines » (Baudelaire). »

Pourquoi crier ainsi sur tous les toits que je vis les amours pluriels ?

Le côté « je raconte ma vie amoureuse en public » est assez gênant. Cela fait exhibitionniste. C’est l’une des raisons pour lesquelles peu d’amoureux pluriels acceptent de témoigner en public. Pourtant, je considère qu’il est dommage de ne pas parler de ce qui se passe dans nos vies.

D’une part, beaucoup de personnes pensent être les seuls à vivre les amours pluriels, et ils ont donc la désagréable impression d’être inadaptés à la société. D’autre part, certaines personnes qui ne se sentent pas bien dans l’amour exclusif ne savent même pas qu’il existe d’autres façons de vivre les relations amoureuses. Je ne dis pas qu’elles seraient plus heureuses si elles essayaient les amours pluriels (ça peut tout aussi bien être la catastrophe), mais au moins, il faudrait qu’elles sachent ce qui existe.

Ces 2 raisons me poussent à m’exposer. D’une façon plus générale, je pense qu’il est bon de parler de ce qui se passe réellement dans la vie de chacun. Les témoignages aident à ouvrir les horizons et à développer la tolérance…

 

Ces questions/réponses ont étés rédigés par Guilain, fin 2011. Si vous souhaitez apporter d’autres réponses à ces questions, ou si vous avez d’autres questions, il se fera un plaisir de les ajouter…

Note : Comme je suis attiré par les femmes, j’ai rédigé beaucoup de réponses en parlant d’amoureuses… On peut remplacer « amoureuse » par « amoureux », cela reste évidemment totalement conforme à ma vision des amours pluriels.