Polyplaisir des utopies et une émission réalisée par Polyphil de polyamour.be
Il s’agit d’un best-of 2009-2010 où les paroles des uns et des autres sont mélangées.
Il y a 6 séquences de 3 mn et un thème principal pour chaque séquence.
I. « Ce n’est pas parce que j’ai besoin de me sentir aimée que je tombe amoureuse »
Ca me faisait plaisir de le savoir heureux avec d’autres femmes… Moi je le trouvais même encore plus désirable, encore plus beau… Je me disais : je me trompe pas, il n’y a pas que moi qui le trouve sexy ! [Rires]
Polyphil : Il y a une grande sérénité dans ce que tu dis là !
Oui, mais peut-être parce que je suis quelqu’un qui est terriblement bien avec elle-même. Moi je répète une phrase que Brigitte Bardot a dite et que j’ai reprise. Un jour un journaliste demande à Brigitte Bardot : mais en fin de compte, c’est qui l’homme de votre vie dans tous vos amoureux ? Et elle dit : mais c’est moi-même ! Et en fait, je me sens comme ça. Je ne suis pas amoureuse et je ne tombe pas amoureuse parce que j’ai besoin d’un homme ou d’un protecteur ou de me sentir aimée. Je me sens très très bien avec moi-même, avec mes enfants et mon travail et toutes mes nombreuses passions.
[…]
J’ai ces envies, ces désirs, est-ce que je ne suis pas complétement cinglée ? Un certain nombre de gens disait : mais enfin, ça va pas ? t’es folle ! T’as un mari sympathique, des enfants et tout… enfin t’as une vie de rêve, qu’est-ce que tu vas chercher ailleurs ? Et j’allais pas chercher ailleurs parce que ma vie ne me convenait pas. J’adorais ma vie mais je me disais : il y a plein d’autres choses à découvrir… Une curiosité, quoi ! J’avais envie d’explorer… Et donc j’allais voir un psy quelques temps, on a parlé, et puis un jour, je lui ai dit : je suis comme ça, et alors ? Il m’a dit : bah voila ! [Rires] et ça a été vraiment un déclic. Je me suis dit : acceptons, avec mes faiblesses, avec mes moments de chagrins, de doutes… Et bien il y a quelques jours, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, je me sentais en [pouf]… pas le moral, baisse d’énergie… Et alors, mon mari était inquiet, il me dit : ça va pas ? etc. Il croyait qu’il y avait quelque chose… Mais qu’est ce qui se passe ? Je lui : rien, tu sais, ça arrive ! Au fond si j’étais toujours toujours de bonne humeur, toujours toujours en pleine énergie, alors que le monde autour de soi n’est pas forcément si facile, c’est là que je serais anormale et folle. Je pense qu’il faut respecter aussi ces périodes de basses énergies.
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Si je me sors du chemin tracé du couple, du mariage, de la maison, du chien, des enfants, quel sens a ma vie ? Ca je pense qu’il y a aussi beaucoup de gens qui ne sont pas prêts à l’affronter.
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Etre polyamoureux, c’est peut-être aussi n’avoir personne et être très bien !
II. « Il y a un merveilleux à se dire qu’on invente sa vie »
Oser mettre sa main sur le torse de quelqu’un, d’un autre homme, c’est ce que j’ai pu faire, c’était quand même pas gagné ! Je veux dire, moi j’ai eu des larmes, et je m’y attendais pas. Donc ça a été un vrai cadeau, parce que, à partir de ce moment là, j’ai l’impression que j’ai reglé assez définitivement l’idée de la douleur dans la jalousie. Même si peut-être que d’autres relations me feront ré-apparaître un peu ce sentiment là, mais ça a été une découverte magique.
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Au niveau du désir sexuel, il y a un peu ça : tu peux tenter des expériences, et puis le lendemain, si tu te dégoûtes un peu, si tu dis : mais qu’est ce que j’ai fait, je suis complétement cinglée, c’est que c’était pas bon pour toi. Si tu te dis : bah dis-donc, je suis allé loin aujourd’hui mais que t’as le sourire aux lèvres, c’était bon. Et donc petit à petit, tu apprends. Et tu apprends aussi, très sereinement, à dire : ça j’en veux pas. Et même si tout le monde te dit : oh la la, mais t’es pas libérée, tu veux pas ça ! C’est pas ça, mais c’est pas bon pour moi.
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Je ne veux pas dire que ça y est, c’est fini, je ne vivrai plus jamais en couple. Je laisse venir les choses au jour le jour et ça, c’est aussi la liberté !
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Si tu ne sais plus revenir, par rapport à ta proche, ta dulcinée, si tu ne sais plus la nommer, en tant que féé, déesse, avec tes mots à toi, pas des mots cliniques : mais quel récit peux-tu me raconter de cet amour ? Je pense aussi que polyamour contribue à ça : se réapproprier le récit de ce que ça signifie, rencontrer, connaître, être fusionnel avec quelqu’un et avoir ce privilège d’être dans une proximité extraordinaire.
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Il y a un merveilleux, de toute façon, à se dire qu’on réinvente sa vie.
III. « Tu étais ma déesse et tu es tombée de ton piédestal »
Le soir, j’ai vu un copain officiel à qui j’ai dit ce qui s’était passé. Il a une première réaction qui était de me dire : tu étais ma déesse et tu es tombée de ton piédestal. Ca m’a un peu fait ni chaud ni froid, je dois avouer. Et puis le lendemain, il avait manifestement dormi sur le truc et il se disait que finalement c’était assez pratique, et finalement il a embrayé comme ça. Pour moi le polyamorie me permet ça aussi : d’accéder à des compagnons qui sont très insatisfaisants, en les ayant à temps partiel, et du coup cela passe mieux.
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C’est vrai que dans le polyamour, les mauvais côté de l’autre sont vraiment très agréables. [Rires] On n’est pas obligé, comme avec un compagnon ou une épouse, de se dire ah mon Dieu il va falloir que je supporte ça ! Non ! Ce sentiment de liberté fait que – c’est plus que supporter – on aime les défauts de l’autre, je trouve.
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Je me dis à chaque fois : tiens, t’es dans un truc de passion, oh la la tu vas partir en vrille toi ! Puis je me regarde un peu à l’extérieur, ce qui me permet de garder un peu d’humour, de me trouver parfois un peu ridicule quand je suis passionnelle, mais ce qui ne m’empêche pas de la vivre. Et si par exemple j’étais tentée – je dis j’étais tentée parce que maintenant ça ne m’arrive plus, mais quand j’étais plus jeune – je me serais dit « je peux pas, il faut absolument… », je faisais une lettre à l’homme pour lequel j’étais passioné, une grande longue lettre mais je ne l’envoyais jamais. Puis je la mettais dans un coin. Mais le fait de l’avoir écrite m’avait complétement soulagée de cet espèce de trop plein de lyrisme dont on parlait tout à l’heure. Donc je lui faisais une belle lettre lyrique, je la relisais, des fois je pleurais comme une madeleine dessus, puis je la mettais dans un coin. Et bien je peux te dire que 10 fois sur 10 en la relisant un mois et demi après, je me disais : mais ça va pas non ? Et donc ça apprend à prendre la juste mesure des choses. Ca n’empêche pas du tout de vivre des choses fabuleuses, mais l’écriture permet de prendre du recul sur ta vie.
IV. « S’affranchir du handicap de la représentation patriarcale traditionnelle »
Les rôles des femmes et des hommes sont encore forts affirmés. Encore que c’est en train de diminuer, mais les rôles – pour l’instant en tout cas – sont encore forts affirmés, et c’est de ce coin là, de cet angle là, qu’est venu toute la problèmatique du polyamour.
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Je trouve que le macho est quelqu’un qui a peur des femmes ou en tout cas qui a peur de leur pouvoir de séduction. Parce que lui, peut-être, n’est pas capable de maîtriser l’effet qu’elle peut avoir et donc, du coup, craint peut-être l’effet que peut avoir ce pouvoir de séduction sur d’autres hommes.
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Et si on laissait faire la femme ? Si on la laissait décider ? Peut-être bien qu’elle est moins possessive, peut-être bien qu’elle voit les choses autrement.
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Lilith c’est la première femme d’Adam, dont il a eu peur. Et Lilith, pour moi, c’est la femme qui reste libre. Et donc si elle est libre, ça veut dire qu’elle peut s’inscrire au niveau de ses sentiments vers d’autres corps, qu’ils soient féminins ou masculins.
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Pour moi, l’intérêt aujourd’hui du polyamorie, c’est de s’affranchir au départ du handicap de la représentation patriarcale traditionnelle.
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Moi je sais qu’en tout cas, un homme profondément viril est un homme qui a retrouvé sa femminité. Et c’est vrai qu’en général ces hommes vraiment virils sont des êtres plutôts paisibles, tendres, et ayant un très bon contact avec la femme. Et en général c’est de très bons amants aussi ! [Rires]
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Je pense que la liberté de la personne qui est en face de nous est aussi importante que sa propre liberté. C’est là que le machisme ne rentre pas du tout dans la fenêtre, parce que je n’ai pas envie de posséder. Je n’ai pas envie de posséder, j’ai envie de passer de bons moments avec quelqu’un.
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Qu’on arrête cette image stupide que le mouvement hippie, ou en tout cas la représentation de la femme ou de l’homme dans le mouvement hippie était la femme à poil avec une petite marguerite dans les cheveux – je suis désolé, je n’ai pas trop connu ça – et que l’homme c’était en fait presque l’homme habillé en cromagnon, quelque part en Suisse ou bien en France, avec ses moutons. Moi, personnellement, je n’ai pas trop connu ça. Moi j’ai connu en tout les cas des gens qui ont pris la parole, des femmes qui ont pris la parole.
V. « T’as l’cul en feu ! »
Un de mes amis me dit : oui, tu as le cul en feu ! Ca n’a rien à voir, mais rien à voir ! Alors je ne réponds même plus…
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Le polyamour platonique, ça ne dérange pas grand monde, on est d’accord. C’est plutôt le polyamour consommé qui va commencer à stresser les gens, dès l’instant où on dit : le sexuel est permis, un petit peu à droite à gauche. Vous mettez une couche de sentiment… Voila, ça stresse un peu !
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Ils sentaient ce vent de liberté à travers ce que j’écrivais. Et je n’osais pas dire que c’était très autobiographique, au départ, parce que moi c’est petit-à-petit que… maintenant je ne me cache plus, je suis une polyamoureuse, et j’assume, et je ne me sens pas une salope – comme toutes les femmes qui aiment du fond de leur coeur ne sont certainement pas des salopes – mais j’avais du mal au départ à vraiment oser l’afficher ou l’avouer.
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On va mettre des tipis et on va commencer à faire une petite fumette ensemble, sortir un calumet de la paix et puis hop ! Les filles à poil, et on y va, quoi ! Non c’est pas ça du tout ! Absolument pas ça du tout !
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Il y a probablement des gens qui se déclarent polyamoureux parce qu’ils ont peur de s’engager.
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Ce n’est pas les divorces qui ont fait que j’ai remis en question le modèle monogame, c’est le fait que la plupart des couples monogames que je connaissais dans ma famille ne me donnaient pas envie. Ils n’ont pas divorcés, moi dans ma famille, personne n’a divorcé. Je m’aperçois après coup que pour moi c’était pas vraiment un modèle.
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Dans un couple normal, si ça va mal, l’environnement va leur dire : oui, mais les couples c’est comme ça. Tandis que si on fait une tentative par exemple polyamoureuse et que ça ne marche pas, l’environnement aura tendance à dire – sans le dire, on le dit sans le dire : oui, bon voila ce qui arrive dans ce cas là, si on cherche les emmerdes, voila qu’on les trouve…
VI. Les passages les plus drôles
Dieu s’impose comme un homme barbu ! Bon, là, on est parti dans un drôle de trip !
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Dans les groupes militants, il y a aussi un marquage assez marrant qui est qu’il est très mal vu, quand on est de gauche, de coucher avec quelqu’un qui est de droite !
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J’aime pas trop les fous-dingues non plus !
Polyphil : T’en as eu ta dose à d’autres époques ?
Oui, j’ai eu un certain nombre de foutracs, et ce n’était pas les plus intéressants.
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Heureusement qu’il ne faut pas encore mettre des capotes à la métaphore !
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Pour moi, le sexe, c’était quelque chose pour les loosers qui n’avaient rien de mieux à faire. Pour moi, c’était dommage d’en arriver là, à la limite, de s’intéresser au sexe…
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Christ était un polyamoureux !
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La beauté n’est que polythéisme, et le polythéisme n’est jamais quelque chose de fixe.
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Et il lui avait dit : il faut que tu aies des amants pendant que je ne suis pas là, pour que quand je reviendrai, j’ai une femme désirante. Dans ce journal intime, elle racontait ses aventures, et c’était très joli, parce qu’il lui avait dit : je veux uniquement que tu aies des amants militaires, comme moi. Alors, elle allait aux messes des officiers, elle allait voir les officiers qui étaient en permission, et puis elle leur proposait, et ça se passait très bien. Et elle écrivait à son mari au front : j’ai appris telle ou telle chose, etc. Je vous montrerai à votre retour ! Parce qu’en plus, ils se vouvoyaient, tout ça…
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J’avais envie de dire : que cette jeunesse mouille !
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Et l’anarchiste il aura une femme à lui, et dira : dans l’Histoire, il y a eu ça ! Je me souviens, au XXéme siècle, il y a des documents qui disent que chaque homme avait sa femme. On sera au XXIVème siècle et il dira : c’était quand même le bon temps !