Est-ce une forme de nostalgie des utopies des années 70 ? D’ailleurs, Charles Fourier n’est-il pas l’inspirateur des amours pluriels ?

Les mouvements des années 70 ont apporté beaucoup de bonnes choses dans la société : les gens osent prendre la parole, les inégalités homme-femme reculent, les tabous sexuels diminuent, les enfants ont le droit de s’exprimer, les émotions sont mieux prises en compte, l’agressivité est condamnée, l’autodétermination est valorisée, etc.

Mais ces mouvements se positionnent souvent en « réaction contre ». Ils prennent le contre-pied de la norme ambiante, et se retrouvent alors dans des extrêmes : si tu ne vis pas les amours multiples tu es un sale bourgeois réactionnaire et possessif, si tu éprouves de la jalousie tu dois aller te faire soigner, si tu n’es pas d’accord pour faire du sexe avec tout le monde tu es coincé et tu dois te « libérer », si tu ne veux pas vivre en collectivité tu es un égoïste, etc.

Aujourd’hui, les amoureux pluriels ne sont pas forcément en « réaction contre ». Autrement dit, il ne s’agit pas nécessairement d’une contestation. Et les amours pluriels sont évidemment plus pérennes si l’on peut parler – sans risquer d’être considéré comme un ennemi – de ses doutes, de la jalousie qu’on ressent, des frontières qu’on souhaite maintenir vis-à-vis des autres, etc.

Quant à Fourrier (1772 – 1837), il a peut-être écrit des choses intéressantes en avance sur son époque – notamment certaines idées féministes – mais il suffit de lire « Vers la liberté en amour » pour se convaincre que sa vision du monde est ultra-simpliste. Selon lui, tous les problèmes de l’univers sont liés à la répression des passions. Il suffit d’établir un « code passionnel » pour assurer le plein essor de toutes les passions, et celles ci se combineront alors merveilleusement bien, pour arriver à la « concorde ». « L’orchestre à 1620 instruments » que constituent l’ensemble des différentes passions jouerait de façon harmonieuse. Les passions destructrices le sont uniquement parce qu’elles ont étés contre-carrés pendant l’éducation, et elles pourraient facilement s’intégrer à l’orchestre. Dans un contexte de forte répression des passions, Fourrier prend le contre-pied et tombe dans des extrêmes. Il le fait aussi en condamnant totalement l’exclusivité amoureuse. Bref, selon moi, tout cela n’a plus grand chose à voir avec les amours pluriels telles qu’elles se présentent aujourd’hui.

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